Atelier pour les élèves de 1ère du lycée où j’enseigne, mes collègues de français ont organisé en février dernier une journée dédiée à la préparation des oraux de l’épreuve anticipée de français. Ils m’ont proposé d’animer l’un des quatre ateliers auxquels les élèves devaient assister par petits groupes (une quinzaine) en roulement, sur la gestion du stress, une appellation parlante pour ce public même s’il s’accorde mal avec le yoga.
Voici le travail que j’avais préparé.
L’origine du stress et ses effets
Le stress est une réaction naturelle à une situation de danger. Elle remonte aux origines de l’humanité et nous la partageons avec les autres animaux.
Notre cerveau est conçu, dans un but de survie, pour identifier les dangers et y réagir. Cette réaction est très rapide et s’app uie sur ce que le cerveau a pu percevoir comme signes extérieurs et a analysé de manière assez grossière, sacrifiant dans l’urgence la précision. Initialement, trois réactions (les « 3 F » en anglais,Fight, Flight or Freeze) sont possibles : le combat, la fuite et l’inhibition.
Aujourd’hui, bien que les situations nous mettant réellement en danger soient devenues rares, notre « câblage » nous mène à ressentir de façon inappropriée du stress dans de nombreuses situations de la vie quotidienne. On parle de stress chronique. Le système nerveux sympathique est sur-stimulé au détriment du système nerveux parasympathique, qui favorise l’apaisement et la concentration . À l’adolescence, le stress peut être généré par la pression scolaire, les attentes parentales, tous les types de situations conflictuelles, le questionnement sur son avenir, la comparaiso n aux autres, une planification irréaliste (ou inexistante) de ses révisions,…
Or le stress chronique a des effets négatifs sur l’organisme pouvant se manifester sous la forme de déséquilibre hormonal, troubles du comportement, affaiblissement du système immunitaire, ralentissement du métabolisme,tendances anxieuses ou dépressives. On parle de «mauvais stress» : celui qui nous envahit, inhibant notre capacité à réfléchir, notre mémoire, et de« bon stress », celui qui nous rend vigilant, concentré, qui donne plein accès à toutes nos capacités de réflexion et à notre mémoire. Il serait plus approprié de parler de « niveau optimal de stress » défini comme « la dose de stress biologiquement nécessaire pour fonctionner harmonieusement avec sa personnalité et ses possibilités d’adaptation. Chacun a son propre niveau optimal de stress.Il est indispensable de connaitre le sien, afin de ne pas dépasser son seul de tolérance. »
Nous avons tous développé des schémas de réaction à certaines situations, en particulier aux examens. Ce sont des schémas qui ont tendance à se répéter (et plus on les revit, plus il s’ancrent), mais qui peuvent être modifiés à condition d’entreprendre certaines actions.
Un vécu du stress propre à chacun
Les réactions d’un individu face au stress sont très personnelles. Il est donc important d’identifier:
- les facteurs qui génèrent du stress
- et les stratégies individuelles déjà connues pour le réduire « Brainstorming » à partir de ces deux questions, et ce pour les différentes périodes autour de l’examen :
- en amont,
- au moment de l’endormissement et plus précisément la veille de l’examen,
- pendant l’examen,
- et après
Agir sur le stress
Nous avons trois cerveaux (théorie de Paul MaèLean), qui apparaissent successivement et « s’empilent » par ordre de développement. Nous partageons notre cerveau le plus ancien avec les poissons et les oiseaux; c’est le cerveau reptilien. Il assure les fonctions vitales de l’organisme (fréquence cardiaque, respiration, température corporelle, équilibre,. ..) et la sauvegarde de l’individu et de l’espèce. Avec les mammifères se développe le deuxième cerveau, le cerveau limbique, siège des émotions. Notre troisième cerveau, le néocortex, apparaît avec l’Australopithèque.
Même si ces trois cerveaux sont en interaction, on peut dire que c’est au niveau du cerveau limbique que se déclenche le stress : en effet, parmi les trois réactions originellement reptiliennes devant une situation « de danger », (le combat, la fuite ou l’inhibition), celle qui est la plus répandue dans notre vie sociale civilisée est la dernière. Dans l’incapacité de réagir, nous sommes sous l’ emprise de nos émotions : c’est notre cerveau limbique qui a pris le relais. Intervient enfin notre troisième cerveau, le plus récent, plus précisément la partie située derrière le front – le cortex préfrontal -, qui permet dans une certaine mesure de moduler et relativiser les réactions du cerveau limbique. Pourtant, il n’est pas facile d’agir sur le stress en se raisonnant : le cortex préfrontal ne l’emporte pas toujours (par exemple, nous pouvons savoir ce qu’il faudrait faire et nous retrouver à faire autre chose). En nous basant sur le yoga, nous allons voir d’autres manières d’agir sur le stress, indirectes mais souvent plus efficaces.
a. La respiration
La respiration et le mental (qui comprend les émotions) sont étroitement liés. Ainsi, en agissant sur la respiration, on peut agir sur le stress. Or, il est facile d’agir sur la respiration. Le yoga a toujours envisagé la maîtrise et l’a llongement du souffle comme une partie essentielle de son art, la considérant comme un membre à part entière, le pranayama, au même titre que la prat ique postura le, son action sur le mental, la respiration influence positivement les différentes périodes autour d’un examen:
- d’une manière générale, notre efficacité et notre concentra tion, la qualité de notre sommeil, la capacité à nous détendre et à nous ressourcer,
- en amont de l’examen, notre capacité à nous préparer à l’examen sur la durée en restant focalisé sur notre objectif et malgré les tentations en tous genres, y compris la procrastination,
- la capacité à réd uire notre stress juste avant et pendant un examen,
- et enfin, quand l’examen est terminé, la capacité à lâcher
Attention, il est nécessaire d’ajuster individuellement les exercices proposés pour diminuer un niveau de stress ressenti comme trop élevé et contre-productif. Le niveau optimal de stress varie pour une même personne en fonction de la situation. Arriver complètement détendu à un examen n’est pas souhaitable !
Si la maîtrise du souffle permet d’agir sur le stress, elle doit s’appuyer sur une compréhension minimale du mécanisme de la respiration . Le muscle de la respiration, le diaphragme, forme une coupole qui sépare la zone du cœur et des poumons de la zone abdominale.
À l’inspiration, les poumons s’emplissent. Le diaphragme se contracte et s’abaisse. Le ventre, dont le volume est incompressible, se gonfle, de même que la poitrine, jusqu’à la zone sous-claviculaire. À l’expiration, le diaphragme se détend et remonte. Il est aidé dans cette remontée par l’action des muscles abdominaux (muscles secondaires de la respiration). Le ventre rentre ainsi que la poitrine. Une respiration qui se fait en sens inverse (le ventre qui rentre à l’inspiration et qui sort à l’expiration) est anti-physiologique et favorise le stress et l’ apparition de maladies. À l’inverse, une respiration physiologique ample et fluide favorise la concentration car l’oxygénation, en particulier celle du cerveau, est optimale.
Observation de la respiration naturelle: allongé en détente sur le dos après s’être étiré et bien installé (creux lombaire réduit – si le bas du dos est douloureux, placer un coussin sous les genoux -, omoplates ramenées vers le bas du dos pour dégager la tête des épaules, et nuque étirée, en ramenant en douceur le menton vers la gorge), les mains se posent sur le ventre, puis sur les côtés, puis sous les clavicules pour sentir les trois étages de la respiration. La respiration est naturelle. Rester quelques respirations dans chaque position en dirigeant l’attention aux sensations et sous les mains.
Le son ujjayi. Au yoga, la respiration s’effectue par le nez, mais pour comprendre cet exercice, il est conseillé d’essayer d’abord d’expirer bouche grand ouverte comme pour faire de la buée sur une vitre. On cherche ensuite à retrouver le même son (surnommé « le son de l’océan ») bouche fermée, à l’inspiratio n comme à l’ expira tion. Cette respiration est aussi excellente en préparation d’un oral puisque qu’ elle nettoie les cordes vocales et permet de mieux placer sa voix.
Petit exercice contre la panique à la maison : en position debo ut, monter sur l’inspiration les bras par les côtés et les redescendre par l’avant, coudes fléchis et paumes vers le sol. À faire deux ou trois fois. Cet exercice tout simple a de grands effets grâce à la montée des bras qui permet de retrouver automatiquement une respiration ample en faisant intervenir les trois étages vus plus haut.
Petit exercice contre la panique pendant l’examen : inspirer sur deux temps; suspendre le souffle sur deux temps; puis expirer sur trois temps. On peut accompagner cette respiration d’un mouvement des épaules (vers le haut sur inspir, en rapprochant les omoplates sur la suspension, et en redescendant sur l’expir), c’est plus efficace mais moins discret. À faire deux ou trois fois.
Mise en garde: ne pas forcer (ces exercices ne doivent pas provoquer d’essoufflement ou de suffocation)
b. Quelques postures de yoga
Précaution : il est fortement conseillé de ne pratiquer qu’avec un enseignant qui pourra vérifier le bon positionnement des postures et une compréhension jus te de ce qui est recherché. Après avoir préparé le corps avec des étirements, des torsions, des flexions latérales et avant, voici trois postures visant à améliorer entre autres le centrage :
Le guerrier (qui combat ses démons intérieurs et s’attelle à ce qui est à faire) favorise le centrage, la concentration, la détermination, la focalisation sur le but fixé.
L’hirondelle muscle l’arri ère du corps, ouvre la cage thoracique et les épaules, favorise donc l’amplitude respiratoire et la liberté de mouvement du diaphragme.
La barque muscle en particulier le dos et les abdominaux, renforçant la zone de notre centre de gravité où siègent notre volonté, notre force et notre courage.
c. La visualisation
Il existe une infinité de visualisations aidantes à pratiquer avant un examen.
Voici quelques propositions :
- Retrouver une expérience d’examen similaire(écrit ou oral) qui a été positive et se visualiser dans la situation actuelle de l’examen en y transférant tous les éléments de l’ expérience positive (sensations, attitude posturale, ambiance interne,.. .).
- Visualiser une personne que nous avons vue en situation d’ examen (lors d’un oral auquel nous avons assisté ou dans un film par exemple) et qui incarne les qualités que nous aimerions développer.
- Se visualiser en haut d’ une montagne – ou tout autre environnement de nature où vous savez pouvoir vous ressourcer -, d’où l’on peut voir tous les paysages en contrebas.
d. Le lâcher-prise
Il concerne les moments de repos avant les examens, en particulier à l’endormissement, et la période de l’après examen, avant l’annonce des résultats.
Avant l’examen, l’ endormissement peut être gêné par un sentiment de culpabilité (légitime ou non) de n’avoir pas suffisamment travaillé. La fatigue est là, mais inconsciemment, on peut se dire qu’il serait encore possible de travailler au lieu de dormir, et le conflit interne empêche le sommeil de venir et d’être vraiment réparateur.
Après l’examen, on peut encore s’accrocher à ce qui s’est passé (avant et pendant ) et avoir des regrets, rejouer mentalement certains de ces moments en boucle. Or, analyser le passé est constructif car porteur de connaissance de soi, d’actes et de changement. En revanche, se focaliser sur un passé que l’on ne peut plus changer est vain.
C’est le lâcher-prise qui permet de diminuer les pensées parasites et inutiles. La respiration, mais aussi certaines considérations philosophiques peuvent y aider :
- « L‘abandon des fruits de l‘acte ». C’est le message central de la Bhagavad Gîtâ, texte de première importance encore aujourd’hui, qui est un cours de yoga donné par le dieu Krishna à un chef de guerre sur le champ de bataille. Livre à part entière qui fait aussi partie de la grande épopée du Mahabharata (6ème siècle J – C), il était destiné à diffuser les principes philosophiques au sein de la population.
Après avoir réalisé un acte juste (ce qu’il nous incombait de faire), il s’agit de considérer que les conséquences ne nous appartiennent plus. Nous avons fait ce qu’il fallait, ce que nous avons pu – à la mesure de nos moyens.(Sinon, revenir à l’analyse. « Honnêtement, ai-je fait ce qu’il fallait ? Mes objectifs étaient-ils les bons ? Si je me suis fixé des objectifs trop élevés, je risque de me dévaloriser et de ne jamais être satisfait de moi, mais s’ ils sont trop limités ou si je n’en ai pas, je risque de ne pas être suffisamment prêt sans même comprendre pourquoi » ).
Avant l’examen, nous pourrons nous endormir avec un sentiment de satisfaction de tout le travail réalisé, plutôt que d’ avoir peur du lendemain et de l’examen.
Après l’examen, nous pourrons passer à autre chose et laisser les résultats de notre travail arriver à leur rythme sans nous y accrocher et sans nous en inquiéter exagérément.
- Si la peur d’ avoir échoué est trop envahissante et engendre un stress insupportable, nous pouvons nous livrer à l’exercice suivant:
« Que pourrait-il m’arriver de pire que cet éventuel échec ? »
Lors que nous avons pu répondre à cette question, nous réitérons ce questionnement sur la réponse que nous avions donnée, jusqu’ à ce qu’advienne le lâcher-prise.
Les échecs, lorsqu’ils ne sont pas trop souvent répétés, peuvent s’avérer bénéfiques ou formateurs.