Les ashrams sont des lieux de croissance spirituelle où l’on suit la voie d’un maître… qui peut être une femme. Le travail se déploie à l’intérieur, dans l’intimité de chacun, mais les conditions ont aussi leur importance. Les relations et les interactions avec les autres nourrissent ce travail du fait que les ashrams sont des lieux communautaires. Et par la vie simple et saine qu’ils proposent, ce sont des exemples inspirants qui respectent l’objectif climatique d’une émission de 2 tonnes de CO2 par personne et par an.
Cette année, nous partons à 17 pendant deux semaines pour découvrir quatre ashrams du sud de l’Inde, ou lieux apparentés. Pour certains participants, c’est leur premier voyage en Inde. Deux faisaient déjà partie du voyage précédent il y a 3 ans.
Pour tous, c’est l’occasion de pratiquer, de se couler dans les différentes activités spirituelles, de comprendre, réfléchir et échanger. Un mélange de douceur, d’intensité et de profondeur.
Les ashrams et les lieux où nous passons sont décrits dans mon livre Ashrams, voyage aux sources du yoga, paru aux éditions La Plage.
C’est une joie de revoir ces endroits qui m’ont touchée et transformée, de partager cette joie et de voir leur impact aussi sur ceux qui m’accompagnent.
1ère étape : Hinterland Village (Kerala)
Hinterland Village est situé à environ 1h30 de route de l’aéroport de Kochi. Plus spirituel qu’une belle maison d’hôte en pleine nature, moins austère et plus confortable qu’un ashram, c’est l’endroit de transition parfait pour arriver en Inde avant de s’aventurer dans la vie en ashram.
Unni, le propriétaire, a transformé une plantation de caoutchouc à l’abandon en un havre de paix où l’on vient pratiquer le yoga, la méditation, et apprendre l’essentiel de la philosophie du yoga.
Nous avons aussi profité de mets délicieux, de massages ayurvédiques, de la piscine, de la visite du jardin et d’une démonstration de cuisine (un délicieux porridge au millet, lait de coco, noix de cajou grillées et raisins secs nommé « payasan »). C’est un endroit qui a son identité et plein de charme.
Dans cette petite structure sans aucun signe religieux, Unni et toute l’équipe accueille avec beaucoup de soin et d’attention jusqu’à 30 personnes. Certains y viennent juste pour y passer leurs vacances, seuls ou en couple – même si l’un ne pratique pas le yoga !
2ème étape : Isha Yoga Center (Coimbatore, Tamil Nadu)
Construit par l’un des trois plus grands gurus de l’Inde actuelle, Sadhguru, cet ashram se situe au pied de petites montagnes, isolé de la ville et du bruit. Sa caractéristique principale est la beauté. Tout est magnifique, à l’image de Sadhguru : le paysage, les bâtiments, extérieur comme intérieur, l’agencement de l’ashram, jusqu’aux uniformes des élèves des deux écoles, et bien sûr la statue monumentale d’Adi Yogi – Shiva.
En tant que visiteurs, nous pouvons participer à deux heures de pratique autonome de 5h30 à 7h30 du matin, aux méditations dans un dôme dédié qui accueille deux fois par jour des concerts de musique sacrée. On peut s’y préparer spirituellement par un bain dans un lieu consacré (hommes et femmes séparés). Le darshan comporte une offrande au guru et une vidéo de Sadhguru sur un sujet particulier. Le darshan est traditionnellement le moment où le maître reçoit ses disciples pour être en leur présence.
Plus que par un enseignement formel (dispensé lors de programmes spécifiques, dont le fameux Inner Engineering), c’est un certain état d’être et de lâcher-prise qui infuse en nous, tranquille, déconnecté (pas de Wifi ni de photos), vibrant à la beauté des sons et de l’environnement. Le seva (service volontaire à la communauté, pour nous au réfectoire) vient compléter la joie de ce que nous recevons par celle du don.
Un mot du réfectoire, qui peut accueillir jusqu’à 2000 personnes et propose 3 services par repas. On y mange, comme en général dans les ashrams, Indiens et non-Indiens mélangés, au sol, avec les doigts, toujours végétarien, peu épicé et savoureux.
Lorsque nous y étions, Sadhguru était venu pour fêter Maha Shivaratri, une des plus grandes fêtes indiennes en l’honneur de Shiva. Nous avons vu Sadhguru passer quelques fois, en Segway ou à moto, avec sa barbe blanche au vent, ses lunettes de soleil et son sourire charmeur.
3ème étape : Shantivanam (Tamil Nadu)
Petit ashram chrétien au bord d’une rivière sacrée, Shantivanam est un lieu monastique au double culte catholique/hindou, en anglais et tamil. Il a été fondé dans la première moitié du XXème s. par deux moines bénédictins français qui se sont intéressés à l’hindouisme et y ont puisé une inspiration féconde pour sublimer leur foi.
C’est dans cet écrin de nature ombragé et luxuriant que le frère John Martin vient donner ses entretiens de 16h. Et là, à chacune de ses phrases, notre vision du monde s’ouvre, s’élargit, s’illumine. Nous sommes transportés par sa présence dans cette petite salle de cours toute simple équipée d’un vieux tableau à craie. Sa pensée est juste, humble, connectée et en harmonie avec le divin. D’une voix tranquille, par petites phrases qui me laissent le temps de le traduire, il déploie avec méthode et pédagogie des notions essentielles : il situe les particularités des religions prophétiques et des traditions de sagesse, distingue temps et espace de l’infinité et leurs implications, décrit quatre niveaux de conscience, énonce les principaux attributs de Dieu, présente la parole de Jésus – la base de ses recherches – comme une synthèse révolutionnaire des messages des religions prophétiques et des religions de sagesse, etc. Il nous amène ainsi à toucher du doigt ce que peut signifier d’être un enfant de Dieu. Il déroule une pensée habitée, implacable, juste, logique et puissante. Et pour autant toujours respectueuse de toutes les voies religieuses ou philosophiques, qu’il présente comme des nids où un jour, nous nous sentirons trop à l’étroit et que nous quitterons pour voler de nos propres ailes, en toute liberté.
4ème et dernière étape : Auroville (Pondichéry)
La “ville de l’aurore”, qui vient de fêter ses 55 ans, a une philosophie bien particulière. On y pratique le yoga intégral de Sri Aurobindo et de Mère. Ce n’est pas un yoga postural, mais du Karma Yoga : la transformation de l’humain vers une vie divine s’effectue sans religion, dans la matière, au cœur des difficultés du quotidien. Les témoignages de quelques Aurovilliens nous permettent de cerner leur manière de tendre vers le rêve de Mère. Sans cela, impossible de comprendre ce qui fait Auroville, même en l’arpentant à vélo – ce que nous avons fait avec grand plaisir. D’autant que le territoire est parsemé de villages tamils, ce qui crée des ambiances disparates et brouille les indices de compréhension.
Moment exceptionnel, apothéose de notre voyage : l’autorisation qui nous a été accordée de méditer dans le Matrimandir, l’âme de la ville, où les Aurovilliens ont accès quotidiennement pour se concentrer, se ressourcer et conserver le cap exigeant fixé par la Mère. La Chambre Intérieure est une incroyable pièce circulaire à 12 piliers, avec en son centre une boule de cristal enchâssée sur un socle composé de quatre étoiles dorées, et sur laquelle descend un faisceau de lumière naturelle. Tout est blanc : les murs, la moquette épaisse et feutrée, les coussins, jusqu’aux chaussettes que nous avons enfilées. Le silence est saisissant, d’un autre monde, et l’intériorisation directe. Expérience unique de présence à soi et de présence divine.
Pourtant basé sur le même enseignement, l’ambiance de l’ashram de Sri Aurobindo et de Mère à Puducherry (l’ancien comptoir français Pondichéry) est très différente : on y retrouve des pratiques de dévotion autour des tombes de Sri Aurobindo et de Mère, habituelles aux ashrams.
Retour
En repartant vers l’aéroport de Chennai, nous étions cinq à repartir en dernier. Nous avons pu nous arrêter à Mahabalipuram où se trouve un site archéologique avec de magnifiques vestiges du VIIe et VIIIe siècle. Un vieux temple, le plus vieux du Tamil Nadu, gardé par des enfilades de statues de taureaux ; un immense bas-relief « La descente du Gange », chef-d’œuvre de l’art antique indien avec Arjuna dans la posture de l’arbre ; un temple troglodyte inachevé ; et un rocher qui défie les forces de gravité, surnommé la « motte de beurre de Krishna ».